Risques systémiques : ce qu’il faut retenir du rapport des régulateurs financiers
Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al Maghrib. BAM
Appel à la vigilance, malgré une forte résilience du secteur financier marocain. En dépit d'une atténuation globale, l’économie marocaine demeure confrontée à des risques macroéconomiques externes et internes, « sur fond de fortes incertitudes pesant sur les perspectives de l’économie mondiale », a alerté le Comité de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques (CCSRS), réuni, hier mardi, pour sa dix-septième séance.
De façon générale, dans un tel contexte, prévoit le Comité, l’économie nationale devrait connaître une croissance de 2,4 %, après un taux de 1,3 % enregistré en 2022. Et le rythme de croissance ne devrait se consolider qu’à 2024, année où une croissance de 3,3 % est prévue. Le déficit du compte courant extérieur devrait « s’alléger à 2,5 % du PIB en 2023 et 2024 », alors que le déficit budgétaire des finances publiques devrait également continuer à s’atténuer pour atteindre 5 % du PIB en 2023 puis 4,3 % en 2024, note la même source dans un communiqué.
Résilience du secteur bancaire
Si le crédit bancaire destiné au secteur non financier a continué à progresser à « un rythme accéléré », malgré « une conjoncture difficile », il a vite ralenti durant les quatre premiers mois de 2023. « Compte tenu de la progression des créances en souffrance, le taux de sinistralité du secteur bancaire s’est établi à 8,4 % à fin 2022 puis à 8,9 % à fin avril 2023 », alors que « le taux de couverture de ces créances par les provisions s’est maintenu autour de 68 % ».
Malgré cela, le secteur bancaire « continue d’afficher des fondamentaux solides », indique le CCSRS. Au niveau de la capitalisation, « les banques ont dégagé à fin 2022 sur base sociale un ratio moyen de solvabilité de 15,7 % et un ratio moyen de fonds propres de catégorie 1 de 12,4 % supérieurs aux minimas réglementaires de 12 % et 9 %. Sur base consolidée, ces ratios ressortent respectivement à 13,4 % et à 11,2 % », explique la même source.
Et bien que « l’exercice de macro-stress test de solvabilité continue de montrer la résilience du secteur bancaire face à des scénarii simulant la dégradation des conditions macroéconomiques », au niveau de la rentabilité, le résultat agrégé des banques sur base sociale a affiché durant la même période « une baisse de près de 13 %, contre une hausse de 76,4 % en 2021 ». Cette évolution est principalement due, explique la même source, à « la contraction de 52 % du résultat des opérations de marché sous l’effet de l’augmentation des taux monétaires et obligataires ». Le ratio de liquidité à court terme, quant à lui, continue d’afficher « un niveau confortable » au-delà du seuil réglementaire de 100 %.
Bonne dynamique de croissance pour le secteur des assurances
Face à un fort ralentissement de la croissance et une hausse des taux, le secteur des assurances n’a pas seulement fait preuve de résilience, mais a « continué à se développer ». Delon le Comité, « avec un volume d’affaires de 53,8 milliards de dirhams en 2022, le secteur a pu maintenir sa bonne dynamique de croissance (+8,5 %) portant aussi bien sur la branche vie (+ 10,7 %) que la branche non-vie (+ 6,6 %) ».
Cette progression conjuguée à une amélioration de la sinistralité de la branche non-vie a permis une augmentation de la marge d’exploitation de 36,6 %.
Le secteur a tout de même été impacté par les conditions défavorables du marché financier. Comme l’indique le Comité, « ses plus-values latentes ont ainsi accusé une baisse de 53,8 % et son solde financier s’est déprécié de 23,8 % ». Une baisse qui « a directement impacté la marge de solvabilité du secteur qui s’est dépréciée à 312,7 % contre 370,4 % un an auparavant ». Si cette marge se maintient au-dessus du seuil réglementaire, elle « ne couvre à ce stade que le risque de souscription », note la même source.
Enfin, malgré ces contreperformances sur les placements, « le secteur des assurances a affiché en 2022 un résultat positif de 4 milliards de dirhams (+1,8 %), soit un taux de rendement des fonds propres (ROE) de 9,4 %, en baisse de 10 points de base par rapport à l’exercice 2021 », souligne le Comité, ajoutant que les exercices de stress tests « font ressortir une résilience globale des entreprises d’assurances aux conditions macroéconomiques et techniques défavorables ».
Les retraites en souffrance
Pour ce qui en est du secteur de la retraire, le Comité fait part, à nouveau, d’un situation inquiétante, alors que « les principaux régimes de base continuent de connaitre une situation financière difficile ». Une situation qui s’explique par « l’importance de leurs dettes implicites et par l’épuisement de leurs réserves à divers horizons ».
Dans un tel contexte, une réforme systémique s’impose. Ainsi, selon la même source, la réforme de ce secteur « à travers l’instauration de deux pôles (public et privé), actuellement en cours de discussion entre le gouvernement et les partenaires économiques et sociaux, vise à instaurer une tarification équilibrée des régimes de retraite et à résorber une bonne partie de leurs engagements passés non couverts ».
Les régulateurs soulignent, par ailleurs, de bonnes performances et une « évolution positive » aussi bien sur les marchés boursier et obligataire, que dans le secteur de gestion des actifs. Globalement, la même source note une « forte résilience tant au plan financier qu’au niveau opérationnel » des infrastructures de marchés financiers, qui « continuent de faire preuve d’une et présentent toujours un niveau de risque faible pour la stabilité financière ».
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.
